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A propos de la notion de compromis en islam

Publié le par Yahia

coupe couple 2 khurasan 10-12°

«La divergence de ma Umma est une miséricorde» إختلاف ومماتي رحمة


A propos de la notion de compromis en islam

 

 

Je vous livre ces réflexions entamées autour du colloque organisé par le professeur Mohamed NACHI (FNRS-ULG) sur l' « Actualité du compromis – La construction politique de la différence » les 20 & 21 novembre 2009 à l'université de Liège.

 

(pour le colloque lui-même, voir note en fin d'article)

 

 

Le professeur M.Nachi a exposé son approche du compromis dans le contexte particulier de l'islam a travers le principe de l'ikhtilâf اختلإإف (différence-divergence). Ladifficulté était pour moi d'avoir une visiond’ensemble, tant les points de vue sur l'Ikhtilâf ( la diversité) et sur l'Ijma' ( l'unanimité), sur l'absence ou la présence d'orthodoxie paraissaient contradictoires, et le problème complexe. De fait, il est impossible d'avoir une vision binaire sur ces notions, l'islam étant bien plus complexe et  subtil que cela. 

 

Par ailleurs je me suis rendu compte, que, par une sorte de mimétisme, à suivre de trop près la pensée des auteurs classiques et les commentaires contemporains à leur propos, mes pensées se perdaient souvent, comme celles de nombreux auteurs, dans les méandres des idéologies, assez réductrices malgré leurs subtilités, alors que ce sont des faits sociaux et historiques, avec toutes leur variétés et leur complexités, dont il s'agit de rendre compte. Car ce que je constate, et que je regrette, c'est que le débat reste aussi étroitement lié aux querelles juridico-religieuses, alors que la diversité, elle, bien plus que juridique ou d'opinion, réside dans la disparité des conditions sociales, politiques, géographiques, ethnologiques, linguistiques, qui sont le sous-bassement réel des diversités d'opinion .Au moment ou l'on dit que les portes de l'Ijtihâd ( l'effort réflexif) se sont fermées, en même temps que celles de l'Ikhtilâf ( les divergences), et où donc il n'y aurait plus de place pour le compromis, il ne s'agit que d'une fermeture de la pensée, car la réalité des divergences effectives, elle, n'a pas été amoindrie, ni la nécessité d’accommoder le dogme aux réalités.Ce dont nous avons besoin, c'est d'un point de vue critique d'historien ou de sociologue.

 M.Nachi nous a présenté plusieurs chercheurs contemporains tendant à revaloriser le concept de l'Ikhtilâf: Ali Merad exprimant le besoin d'une nouvelle théologie non cantonnée pas au débat juridico-moral, Charnay et Oumlil se joignant à sa vison positive incluant les fonctions pragmatiques et idéologico-politiques. cependant si plusieurs pistes intéressantes sont lancées, je n'ai pas lu encore de réelle perspective cohérente d'une éthique du compromis : elle est « en construction ».

Pour ma part, à propos des concepts de Ikhtilâf et de 'Ijma' traditionellement opposés, je ne pense pas que l'on doive les penser séparément comme des concepts incompatibles, mais comme un couple de forces complémentaires dont les tensions sont alimentées par les variations historiques concrètes, sociales et politiques des sociétés musulmanes.

Cela me paraît correspondre mieux à la logique générale de l'islam qui n'est pas fondamentalement ,celle du compromis (pratiqué, certes, mais plutôt du domaine de l'impensé),mais celle d'une tension vers l'unité, à travers l'harmonie des diversités , ces diversités n'étant pas pensées pour leur valeur propre, mais par rapport à la manifestation particulière qu'elles développent de l' Un (idée somme toute assez classique, mais particulièrement mise en évidence chez les soufi). La diversité dans la société ne semble guère faire de problème de principe( elle est légitimée dans le Coran) ni pratique (sauf en si elle mène aux conflits) . Cependant au niveau du concept, la diversité n'est pas valorisée comme une valeur en soi, et ne donne pas lieu au compromis: au mieux, elle est relativisée (par rapport à l'unité fondamentale), au pire reniée par les dogmatiques d'abord et les nationalistes plus tard. Ce qui est par contre fortement rejeté, c'est la diversité de pensées en tant que facteur de divisions. En réalité, si l’on peut constater, avec H.Laoust , une PRATIQUEpermanente du compromis chez les sunnites, cette dernière n’a jamais, me semble-t-il, été théorisés et valorisée en tant que telle. S’il y a un manque à ce propos, c’est au niveau de sa conceptualisation, les notions d’Ikhtilâf et d’Ijma’ étant trop strictement cadenassées dans leur juridisme étroit

 

La position de juste milieu revendiquée , quant à elle , ne me semble nullement relever d'un compromis, mais de la notion d'équilibre,d'équité, de justesse, par rapport aux erreurs des extrêmes. Il ne s'agit pas en effet de transiger, de composer entre deux thèses adverses, mais d'en rejeter leurs outrances, ou ce qui est vu comme tel, pour rester dans ce que l'on estime juste et équilibré. Paradoxalement, cette position s'est souvent révélée être une position de combat ! Je conviens cependant qu'il est possible , actuellement des réexaminer cette notion dans une perspective de dynamique positive, ouvrant la voie à la notion de compromis.

 

Quant à  la notion d'orthodoxie, ce n'est pas parque il n'existe pas d'instance ecclésiastique apte à définir l'orthodoxie que celle-ci est absente de l'islam. Déjà, la comparaison avec la chrétienté est boiteuse, car l'on ne tient compte dans le point de comparaison que d'une église, en particulier la catholique. Cependant il existe de multiples églises et autant d'orthodoxies, de « sectes » concurrentes. Il n'y a pas, en chrétienté, une instance reconnue par tous pour définir une orthodoxie applicable à l'ensemble de la chrétienté. De même, chaque « secte »musulmane a également tendance à se penser comme celle qui sera sauvée, à l'exclusion des autres, parmi les 73 citées par la Tradition. Ensuite, la classe des savants -fuqahâ et mutakalimun-, avec une méthodologie strictement définie, et ne laissant aucun champ d'autonomie à une pensée libre, peut tenir lieu d'instance normative de l'orthodoxie. S'il ne s'agit pas d'orthodoxie au sens strict, la notion de consensus "Ijma' ", tel que pratiquée par cette classe, c'est à dire un unanimisme ambiant coercitif, restreignant le champs des variations de pensée ne pourrait-elle pas tenir lieu d'orthodoxie, élastique, certes, mais orthodoxie quand même? Dès lors , la divergence des «  écoles-sectes-communautés »en islam et leurs orthodoxies n'ont pas ce caractère si radicalement différent par rapport à la chrétienté dans son ensemble qu'on veut bien leur prêter, me semble-t-il. Il ne faut cependant pas nier une plus grande ouverture (Ikhtilâf « interne ») par l'acceptation relative des différentes écoles et tendances. Il ne faut surtout pas figer les aspects « orthodoxie » et « diversité reconnue » en des concept essentiels pensés hors de la dynamique des tensions de la société qui les a produit, à défaut de pouvoir rendre compte que, par exemple, certaines écoles, à certains moments historiques, ont usé de leur proximité avec le pouvoir pour imposer leur « orthodoxie » sur les autres (voir plus bas), et que l'harmonie relative a stabilisé la société à d'autres moments historiques.

 

Je pense, en outre que l'on se trompe de cible, à propos de l'orthodoxie en Islam, lorsque l'on parle des dogmes, des diversités d'opinions ou de jurisprudence: le problème le plus crucial n'est pas là . Le problème réside dans la manière de penser, dans la méthodologie appliquée partout, dans la casuistique réductrice des juristes et des traditionnistes, qui sclérose la pensée, à force de se limiter aux textes sacrés, à leurs commentaires et aux commentaires de ces commentaires, aux considération juridiques sur les différentes catégories du licite et de l'illicite, sans analyse préalable, ni prise en compte véritable des réalités de la société. Si il y certes diversité dans les conclusions selon les écoles et les sectes, il n'y en a n'a guère de fondamentales dans la méthode, tant est restreinte la place que laissent le qyâs et même l'ijtihâd -réduit à une interprétation juridique strictement balisée- à la pensée autonome.

 

C'est ici qu'il y aurait lieu d'approfondir le sujet, en le reprenant d'une manière historique et sociologique: à quels moments, à quelles occasions, et de quelles manières et avec quels rapports avec le pouvoir, l'orthodoxie ou les orthodoxies, se sont-elles développées en Islam ? En particulier, l’analyse de la période d’établissement du « compromis » entre les écoles juridiques devraient être développée . (Je pense que les contextes historiques et sociaux sont indispensables à cette réflexion, que l'on ne peut valablement globaliser le phénomène et éviter de comparer ce qui se passait au 7° siècle, sous les Almohades au Maghreb, sous les Fatimides en Égypte, sous les Moghols en Inde, en Turquie ou en Arabie Saoudite contemporaine etc. )

 

En ce qui concerne la période fondatrice, je me rapporte à Mohammed Abed Al-Jabri « La raison politique en islam » , qui se place dans la lignée de ibn Khaldûn (avec les notions-clés :tribu-butin-dogme) . Il analyse de façon très intéressante les conditions historiques et sociales qui ont nourri les différentes querelles d'opinion, au lieu de s'en tenir à un simple débat idéologique pur. Il note par exemple comment le dogme de la prédestination sert le pouvoir de Ommeyyades, et comment d'autres interprétations du dogme servaient les mawâlî persans notamment en justifiant le manque de formation religieuse des néophytes persans par le destin, et non par la foi, ce qui leur permettait de justifier( revendiquer) une égalité de droit, une citoyenneté .Cette analyse se concentre sur les premières périodes, du Prophète aux premiers Abbassides. Cette démarche est très éclairante quant aux enjeux concrets des débats sur l'Ikhtilâf , et je pense qu'il eût été intéressant d'en poursuivre la démarche pour les périodes suivantes. J'en ai grappillé, entre autres quelques exemples chez ClaudeGilliot, qui après avoir cité quelques exemples fort intéressant chez les Ayyoubides, conclut : «  Historiquement, l'orthodoxie s'est formée sur une longue période et sur la base d'un consensus établi par des savants ès sciences religieuses en vue dans les communautés sunnites et chiites. Mais elle demeura dans un processus de modification et de réajustement en réponse à des « schismatiques ». L'un des moyens d'établir un credo « orthodoxe » fut de recourir à l'aide de l'État. Des théologiens musulmans réputés ayant réussi à gagner un ou plusieurs souverains à leur cause, essayèrent souvent de faire supprimer leurs rivaux. L'inverse put se produire aussi, à savoir que des souverains s'appuyaient sur un groupe de théologiens pour faire reculer l'influence d'autres ». («  Islam, « sectes » et groupes d'opposition politico-religieux (VIIe-XIIe siècles) »,Rives méditerranéennes[En ligne], 10 | 2002, mis en ligne le 21 juillet 2005,: http://rives.revues.org/index4.html)

Je ne comprends pas comment un Goldziher peut considérer l'Ijma' comme facteur primordial de la capacité d'adaptation, rôle que je donnerai plus volontiers à l'Ikhtilâf. A mons sens le rôle de l'Ijma' serait plutôt celui de la maintenance de la cohésion. Toutefois il faut penser Ijma' et Ikhtilâf comme un couple , non pas antagoniste, mais coopérant ( même si l'Ijma' est décisif), si l'on veut expliquer le processus d'adaptation global de l'islam .

Je ne dirai pas que l'un a exclu l'autre dans la réalité, je serai curieux de confronter la rigidité idéologique dénoncée, à la pratique, qui face aux diversités sociales, économiques, géographiques, a pu se montrer bien plus souple. C'est une intuition, qu'il faudrait vérifier dans des études historiques et sociologiques.



Bref, plutôt que d’entamer le débat directement par une analyse des théories successives et possibles autour des notions de compromis, ce qui revient, de fait à se mettre dans la suite de la méthode de pensée par apriori des religieux, j’aurais aimé pouvoir partir d’une analyse des situations concrètes ayant induit les compromis multiples, et leur conceptualisation, avant d’aboutir à  leur théorisation à la lumière des sciences sociales contemporaine. Je suis bien conscient cependant qu’il s’agit là d’une entreprise gigantesque, mais cette démarche, se situant dans la lignée d’ Ibn Khaldûn ( et reprise partiellement par un Al-Jabri) trouve toute sa légitimité dans la pensée arabo-musulmane.

 

Revenons en , enfin, à l'espace du religieux pour reformuler la nouvelle question de l'Ikhtilâf . On pourrait estimer qu'il faut quitter l'espace du religieux pour repenser autrement la société musulmane. Mais il ne faut pas pour autant abandonner l'espace du religieux aux traditionalistes: ce qui est nécessaire dans ce domaine, mais très problématique, c'est de se distancier des schèmes de pensée classiques, principalement le mode juridique-interprétatif selon des normes désuètes.

Je pense que l'islam en lui des richesses spirituelles qui le permettent.

l'Ikhtilâf a déjà d'autres résonances au niveau du soufisme, par exemple, et il ne manque pas non plus de versets coraniques qui permettent de la valoriser, et ce même dans le cadre de la pensée classique.

 

J'ai vu en effet citer les versets suivants du Coran,(avec leur cortège de hadiths et de commentaires), interprétés en faveur d'une légitimation de l'Ikhtilâf, voulue par Allah(*) :

49-13, 43-32, 30-22, 11-118, 21-78-79, 76-2

Et ce, à condition de rester dans l'union et de ne pas verser dans le conflit et les dissensions:

5-2, 8-6, 8-63, 17-53, 3-103-105

ou de ne pas s'opposer au preuves "évidentes " coraniques:

3-19, 3-105,

lesquelles échappent à l'Ikhtilâf :4-82

avec, en ultime recours, le jugement d'Allah (donc pas des hommes, ce qui rejoint la contribution de Martin LEINER (*), sauf dans la version salafiste qui s'approprie l'avis d'Allah):

42-10, 4-59

 

 

(*) quand j'écris interprétés en faveur de, c'est parce que l'on peut les lire dans un autre sens(par exemple en complétant la 11-118 par 11-119 pour tendre à dire que la diversité a été voulue pour la confusion et la damnation des infidèles...)



Il semble donc que ce phénomène puisse être globalement légitimé et valorisé, même de manière très "classique", dans la mesure où il ne mène pas aux divisions et à l'affrontement . Finalement, contrairement à ce que j'écrivais plus haut, n'y a-t-il pas dans l'Islam , s'il se dégage d'une rigidité de la pensée juridique, les prédispositions nécessaires pour établir des compromis valables, ceux qui reconnaissent la valeur de l'autre et fondent un projet commun ?

Fondamentalement, et de façon plus spirituelle, c'est dans une réflexion approfondie sur le Tawhîd, l'Un,notion essentielle de l'Islam, que cette question de différences et de compromis devrait trouver son sens profond.

Le vrai problème serait de passer d'une prédisposition juridico-religieuse et spirituelle à une application civile et démocratique, sur base de législation laïque, compatible avec la foi , et de trouver l'articulation adéquate entre ces deux formes de pensées.

 

 

 

 

 

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notes éparses, tirées de ma première lecture :

 

ETYMOLOGIE


J'ai eu la curiosité de vérifier l'étymologie du mot. Sa racine est « KH -L-F ﺨﻠﻑremplacer, succéder à, suivre, qui donnera naissance aussi bien à« alternance » , successeur et autres termes à connotations « neutres », qu'à discorde, liée à absurde, enfreindre,, à connotations négatives, pour aboutir à  إختلاف   différer varier ,se différencier ,également neutre, mais qui donnera notre IKHTILÂF, qui outre la signification de variation, signifie également désaccord, divergence, discorde, disparité, opposition, négativement connotés.

  Dès lors, il est naturel de s'interroger sur la raison de ces glissements de sens, dont seuls les linguistes pourraient nous indiquer s'ils ont toujours coexisté ou s'ils ont une apparition historique retraçable. Toutefois, j'imagine que les violents conflits de pouvoir se confortant sur des visions idéologiques différentes ont pu éventuellement être déterminants dans le succès des connotations négatives.

Par ailleurs, il est frappant de constater que dans tout la richesse de sens que peut prendre ce vocabulaire, seul le sens restreint de désaccord d'opinions, juridiques en particulier, aie été retenu pour la réflexion en islam



HADÎTHS

«La divergence de ma Umma est une miséricorde» إختلاف ومماتي رحمة



Il est toujours délicat de citer un Hadith .En effet il se pose toujours à leur propos la question de leur validité Soit on se situe dans le recours à des arguments d'autorité, dans le discours religieux traditionnel, et il faut encore en justifier la validité selon la même logique, soit on se situe hors de ce discours. La question qui se pose alors est celle de l'utilité de la citation .Dans ce cas, il faut abandonner tout argument d'autorité et se poser délibérément la question des raisons politico-sociales qui a conduit à l'apparition et à l'adoption du Hadith cité, la seule qui puisse réellement nous intéresse

En l'occurrence, avec le Hadith choisi ; la question est particulièrement intéressante : quels sont les groupes qui ont adopté cette tradition, et quels sont ceux qui continuent à le propager ? La citation vient effectivement très opportunément dans votre exposé, en ce sens qu'elle démontre, a tout le moins, que certains groupes étaient attachés à valoriser le phénomène de la différence, mais il serait intéressant d'approfondir cette question: qui, quand, comment, pourquoi ?.

 

Pour les  temps présents, l'on peut constater que cette citation est fréquemment utilisée par les chercheurs essayent de renouveller une vision de l'islam, malgré la faiblesse du Hadith, alors que cette faiblesse est mise en exergue par les salafistes qui en déconcent l'usage.





 

 







Notes sur le Colloque à L'ULG-ISHS sur le thème du COMPROMIS les 20 et 21 novembre 2009

 

D'un débat très large, mené par des personnalités remarquables,je me suis contenté de filtre quelques brefs appercus concernant la civilisation arabo-musulmane,

Une des interventions qui ont le plus  retenu l'attention est celle, très
fine, de Patrice CANIVEZ(Action politique et compromis), qui mettait en évidence à mes yeux , comme plus tard les intervention de Walter LESCH et de Bernard REBER (et même celle de Jean-Claude  MONOD: "Les limites du compromis: montées aux extrême,"ennemi absolu", état d'exception", qui posait la question des limites de cette notion) ,  que la notion de compromis ne pouvait développer toute sa signification complexe  et toutes ses perspectives que lorsque certaines conditions « démocratiques » étaient remplies, d'une part, et   d'autre part, constitue un moteur essentiel du processus démocratique. Les autres interventions en ont illustré des exemples marquants comme l'excellent Jean BAUBEROT (Compromis, pacte laîque, accomodements raisonnable. Comparaison entre laïcités françaies et québecoise) sur l'exemple canadien), ou en ont développé toute la valeur humaine intrinsèque comme Paul VALADIER,Fritz RUDIGER VOLZ,Denis MULLER, et Martin LEINER( l'esprit oeucuménique es-il (déjà) du compromis?).

De ce dernier , j'ai retenu la notion intéressante , en ce qui concerne le compromis dans le cadre théologique, de se soumettre  à un arbitre qui serait Dieu, ce qui reviendrait à se reconnaître comme non-propriétaire de la vérité, et laisserait ainsi un champs ouvert là ou il était fermé auparavant. Je me demandait dans quelle mesure cette notion, qui n'est pas étrangère à l'islam (Dieu seul est Savant), ne pourrait pas être utilisée dans le champs musulman.

Nous arrivons ainsi au centre de mes préoccupations .La société arabo-musulmane classique, du fait de ses deux aspects autoritaire et dogmatique, semble peu laisser de champs libre au compromis, au sens ou nous venons d'en parler. Les différents intervenants n'ont pu mettre en évidence de véritable pensée ou pratique du compromis : En effet,les différentes interventions particulièrement intéressantes,cependant de Binyamin ABRAHAMOV ("Compromise between Rationalism and Traditionamlism in Islamic Theology") , Daniel DE SMET("La pratique de la taqiyya en islam chiitz: compromis ou hypocrsise?")  et Meryem SEBTI, n'ont pas fait avancer la question.
En ce qui concerne l'intervention de Binyamin ABRAHAMOV,On ne peut sérieusement parler de « compromis » entre rationalisme et traditionalisme en théologie islamique, pas plus qu'en théologie chrétienne, s'agissant seulement de comprendre comment deux fonctions réflexives s'articulent entre elles, comment deux notions apparemment ou réellement contradictoires peuvent coexister. Il s'agit donc d'un pur  débat théorique de l'esprit ne faisant pas intervenir deux groupes en conflit. De plus la manière très classique et un peu sommaire de répondre à ce débat qu'il ne peut y avoir de vrai conflit de principe entre Raison et Tradition, évacue trop vite le problème qui se pose  très réellement lorsque, de fait, les conclusions de l'une contredisent les conclusions de l'autre. Et la réponse peu classique d'Ibn Rushd à ce propos aurait mérité de plus amples développements. Il eût , de plus été intéressant d'évoquer le caractère conflictuel, sans compromis, lorsque pour le malheur de l'islam,un mode de pensée a correspondu aux intérêts d'un clan, l'autre s'emparant du mode de pensée adverse pour mieux évacuer l'autre clan. Je pense en particulier aux renversements de situations accompagnant le conflit idéologie autour de Mu'tazilites
La contribution de Meryem SEBTI,("le Prophète et le philosophe face à la cité dans la pensée politique d'Avicenne') qui m'a vivement intéressé dans sa comparaison particulièrement claire entre les démarches opposées de Farâbi et d'Ibn Sinna, ne me paraissait pas plus cependant contribuer au débat.
Le fait de la séparation radicale du champs philosophique et du champs pratique, législatif ne peut en rien être vu comme un compromis:au pire un abandon, au mieux une radicalité idéologique ( ce que je pense pour ma part). Le cas d'Ibn Farâbi me paraissait plus porte à réflexion dans le domaine du compromis. Certes, comme m'a répondu Madame SEBTI, la transposition de la loi commune à des dispositions régissant un peuple particulier ne peut être ensoi considérée comme un compromis. Elle relève en effet de la conception Platonicienne qui procède  du Modèle à son incarnation particulière. Elle ne fait , en principe , intervenir aucun débat mettant en jeu des groupes particuliers aux intérêts opposés, mais seulement l'application idéelle de grands principes généraux à des applications particulières. Cependant, c'est au cours de l'application pratique réelle de ces lois  générales à un peuple particulier qu'apparaît la confrontation  à la réalité, que l'on entre dans le champs  conflictuel des intérêts opposés, que surgit la nécessité de compromis soit avec les principes initiaux, soit avec les forces en présence.
 De là mon idée qu'il serait intéressant d'analyser les modalités historiques et sociologiques des différentes applications concrètes de la Sharia dans les différents pays, du Maghreb en Indochine, de l'Asie Centrale au Zanzibar et , qui n'ont pu s'établir historiquement sans conflits,débats et compromis préalables. Mais ce n'était pas l'objet de son exposé et le temps ne permettait pas de s'étendre sur un sujet si vaste.
Pour la contribution également passionnante de Daniel DE SMET, il était question d'une forme bancale de compromis, un compromis tacite et  non négocié, un compromis de fait. Il s'inscrit d'autant plus difficilement dans le cadre du compromis démocratique qu'il n'est précisément pas formalisé au contraire de la Dhimma,et qu'il en est d'autant plus difficilement théorisable. Ce qui le sort encore plus fort du cadre du compromis , c'est que très rapidement la Taqiyya a été idéologisée au rang d'obligation ésotérique, faisant du coup disparaître les nécessité pratiques et contingentes qui ont aboutit à cette attitude. Je vois dès lors mal comment tirer de la Taqiyya des développements utiles quant à la problématique du compromis dans un sens démocratique.
Par contre, j'aurais aimé avoir quelques perspectives sur le statut de Dhimmi, qui lui,a été très  formalisé, mais est apparu rapidement en Islam dans des situations conflictuelles dont on est sorti après négociations, certes armées, certes avec rapport de forces inégal,mais négociations cependant, et négociations impliquant un respect mutuel et aboutissant à des modalités de vie commune. Je parle donc bien des situations historiques concrètes et des négociations concrètes qui ont mené à ce statut, et non pas de l'évolution sociologique ultérieure de ce statut ni de la signification majoritairement péjorative qu'il a subi ( phénomènes dont on devra cependant tenir compte) . Je pense également, dans le même ordre d'idée, qu'une analyse des traités de capitulation aboutissant à des droits particuliers des vaincus, en Andalousie principalement, serait fort intéressants dans le cadre de ce débat.J'en viens maintenant à l'exposé d' Éric CHAUMONT,("Le compromis comme source secondaire du droit en théorie légale musulmane") dont j'avoue que le point de vue m'a stupéfié( Une glorification de la souplesse et de l'esprit de compromis qu'implique, en soi, la coexistence de quatre systèmes juridiques dans une même sociétée...), tant il correspondait au courant de pensée traditionaliste. Je n'était d'ailleurs pas le seul dans mon étonnement, au vu de la réaction de Meryem SEBTI .Étant d'un esprit assez ouvert, ce point de vue ne m'a cependant pas choqué. Par contre j'ai regretté qu'il ne comprenne ni nos étonnement ni, nos objections, ni nos questions, réagissant comme si sa position était si naturelle que c'était nos questions qui étaient incongrues. Par là , il  a omis d'expliciter et de clarifier son point de vue, et je préfère mettre cette attitude sur la fatigue due à la grippe qu'il avouait. Car enfin, si l'on peut admettre qu'il est remarquable dans un système juridique d'avoir quatre écoles de droits, comment ne pas se poser la question du processus qui les a mis en place,elles et pas les autres qui ont été écartées, comment ne pas se poser la question de la validité  de la procédure du consensus,processus réservé à une minorité de savants,  procédure d'où les réels objectants ont été  préalablement exclus, notamment par le système des quatre écoles juridiques. En effet, ne sont reconnus par ses écoles que les savants acceptant justement le dogme inhérent au « consensus » préétabli;Je ne conteste pas le caractère stabilisant de l'Ijma'a. Mais cette unanimité qu'il vante comme rendant le compromis non nécessaire ne fonctionne-t-il pas qu'au prix de l'exclusion de toute pensée contraire, et son refus a-priori de toute bida'a qui en est le corollaire n'aboutit-il pas à un sclérose de la pensée? Des explications complémentaires à ce propos m'auraient vivement intéressé, mais son attitude fut assez décevante.

L'intervention de Mohammed NACHI( Voir plus haut ) me semblait par contre prometteuse, mais il a malheureusement été forcé à la réduire en raison de l'horaire. En particulier un développement sur les premières procédures  de discussion des savant avant que l'Ijma'a ne se fige dans le dogme de l'infaillibilité,m'aurait intéressé En général j'aurais aimé déceler les exemples , ou les ébauches de compromis que cette civilisation a permis malgré un cadre à première vue moins propice ,et  voir sous quelles conditions sociologiques, économiques ,dogmatiques et politiques pourrait s'épanouir la pratique du compromis démocratique.

 

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R
<br /> Oui, nous sommes à l'ère du repli sur soi... Ce qui m'incite à redoubler d'efforts, ne serait-ce que pour mes enfants. Des enfants fruits d'un couple mixte, l'union d'un catholique franco-breton et<br /> d'une musulmane franco-marocaine...<br /> <br /> Je maintiens que votre connaissance du sujet surpasse la mienne. Quant à vos lacunes... Apprendre, n'est-ce pas snas cesse découvrir à quel point nous ne savons rien ?<br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> La perfection n'est pas de ce monde... Et si j'ai pour moi la maîtrise de l'outil informatique, vous avez, vous, une maîtrise du contenu que le musicien que je suis n'aura sans doute jamais ^^<br /> <br /> Ma seule ambition reste cependant de bâtir des ponts... Et je suis heureux d'avoir pu vous mettre en relation avec "La Voix"<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Je vous remercie de votre "mise en relation". J'ai , sinon la même ambition, du moins le même souhait que vous: bâtire des ponts. C'est plutôt difficile en ce moment de repli sur soi généralisé,<br /> y compris du côté "laïc". Quand à ma maîtrise du sujet , eleel est plus apparente que réelle: tous mes écrits sont des pensées intuitives tirées de nombreuses lectures certes,mais toujours en<br /> construction. Plus j'avance, plus je prends conscience de mes lacunes et je reste attentivement à l'écoute.<br /> <br /> <br /> L'écoute, cela doit convenir à un musicien, non ? Celui qu a en soi le sens de l'harmonie est plus loin que moi sur le chemin...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Ma rapidité s'explique par ma familiarité avec l'interface que vous découvrez... Je regarde toujours (dans l'onglet "statistiques") la rubrique "provenance" qui me permet de savoir comment mes<br /> visiteurs arrivent : parfois directement, parfois du fait d'un lien cliqué (c'est ce qui m'a amené ici), et parfois par des requêtes google dont la formulation est en soi instructive.<br /> <br /> <br /> Puis-je vous inviter à joindre votre blog à la communauté que je gère ? La plupart des blogs qui en faisaient partie ont disparu (la volatilité du net !), mais je n'ai pas abandonné ce projet :<br /> http://www.over-blog.com/com-1132531221/Dans_le_sein_dAbraham.html<br /> <br /> Pour en revenir à votre brouillon, je le relisais encore cet après-midi, du fait d'un échange récent sur la question du "juste milieu" en Islam :<br /> http://blogren.over-blog.com/article-profession-de-foi-d-ibn-taymiyya-66490285-comments.html#anchorComment<br /> ...J'aurais plaisir à le relire encore une fois "au propre" !<br /> <br /> <br />
Répondre
Y
<br /> <br /> Bonsoir;<br /> <br /> <br /> J'ai terminé. Je n'en suis pas entièrement satisfait, mais j'ai depuis longtemps renoncé à être parfait..<br /> <br /> <br /> Vous constaterez une suite... qui en annonce une autre !<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> J'ai enfin trouvé le temps de lire cette page... Beaucoup de matière, j'ai de quoi réfléchir -malgré la présentation ^^<br /> ...Au sujet de "l'orthodoxie" islamique, je repense à cet article :<br /> http://oumma.com/Une-orthodoxie-inoxydable-partie1<br /> Bonne lecture !<br /> <br /> <br />
Répondre
Y
<br /> <br />  Merci,Je ne manquerai pas de le lire.<br /> <br /> <br /> Cet article que vous avez eu la patience était en réalité un brouillon, un texet inachevé que j'avais  mis en ligne pour tester la présentation. Je ne pensais pas qu'il serai lu si vite.<br /> <br /> <br /> Comme vous avez peut-être pu deviner, il s'agit de fragments d'échanges de vues avec un interlocuteur dont vous n'avez pas le texte: certain passages sont donc forcément obscurs.<br /> <br /> <br /> Il me reste à remettre en place ce puzzle , à nettoyer, et à le republier. Dès que j'aurai fini, je vous en avertirai.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Demat, bonjour ! Je découvre que mon blog est en lien ici, et vous en remercie. Je vous invite à consulter -si ce n'est déjà fait- le travail d'un autre over-blogueur autour de l'histoire de<br /> l'Islam : http://attarikh.over-blog.com/<br /> Dans mon souci de respect réciproque, j'ai créé cette communauté sur la plate-forme qui nous héberge : http://www.over-blog.com/com-1132531221/Dans_le_sein_dAbraham.html<br /> ...Si vous le souhaitez, je vous invite à y adhérer !<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je suis surpris de la rapidité avec laquelle je trouve un lecteur. Un de votre qualité en plus, je suis flatté! <br /> <br /> <br /> Merci également d'avoit placé un lien sur votre site<br /> <br /> <br /> Cependant il faut dire que je débute dans le monde du blog, je chipote, je teste et je ne comprends pas bien la technique à utiliser.( liens internes et externes, présentation, etc..)<br /> <br /> <br /> J'ai des corrections à apporter à ce que j'ai publier , y compris un brouillon que je ne pensais pas devoir êtr lu aussi vite.<br /> <br /> <br /> Fraternellement,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />